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Le point sur les procédures liées à la FIFA en Suisse

Cet article fait suite à notre précédente contribution de juillet 2021 qui faisait notamment état de la récusation du procureur général de la Confédération (MPC) et de deux autres procureurs fédéraux ensuite des rencontres informelles menées par le MPC avec des représentants de la Fédération internationale de football association (FIFA) en marge des enquêtes ouvertes par le MPC sur des allégations de corruption privée et de gestion déloyale.

Cette contribution fait le point sur ces procédures, sur le procès en appel des droits TV pour la diffusion des Coupes du monde 2018 à 2030 et sur le procès contre l’ancien président de la FIFA et l’ancien président de l’UEFA.

Affaire des droits TV pour la diffusion des Coupes du monde 2018, 2022, 2026 et 2030

Pour rappel, les autorités de poursuites pénales suisses ont ouvert en 2015 une procédure pénale à l'encontre d'un ancien secrétaire général de la FIFA ("A") pour soupçon de gestion déloyale (art. 158 du Code pénal suisse ; CP), subsidiairement gestion déloyale (art. 138 CP), dans laquelle la FIFA s’est constituée partie plaignante un an plus tard. Il est ressorti de l’investigation pénale que l'ancien secrétaire général de la FIFA aurait, selon l’accusation, bénéficié, avant la fin de l’année 2013, d'avantages économiques de la part d'un individu qatari ("B") et d’un ressortissant grec ("C") en contrepartie de l'attribution par la FIFA des droits TV pour les Coupes du Monde de 2018, 2022, 2026 et de 2030.

La phase de jugement en première instance (SK.2020.4) s'est tenue du 14 septembre au 2 octobre 2020. Les parties avaient été informées par le tribunal des dates d'audience en avril 2020. Fin août 2020, l'accusé grec envoya au tribunal un certificat médical faisant état d’un rythme cardiaque anormal ensuite d’interventions chirurgicales, ce qui n’avait pas suffi à convaincre les juges de l’existence d’un motif impérieux de report. Cet accusé fut jugé par défaut, contrairement aux deux autres.

Par jugement du 30 octobre 2020, l'ancien secrétaire général de la FIFA fut acquitté des accusations de gestion déloyale aggravée et de corruption passive mais reconnu coupable de plusieurs faux dans les titres (art. 251 al. 1 CP) et condamné à une peine pécuniaire de 120 jours à CHF 200 par jour - soit un montant total de CHF 24'000.-, peine assortie d'un sursis à l’exécution de la peine de deux ans.

En outre, l'ancien secrétaire général fut condamné à payer à la FIFA un montant de EUR 500'000.- plus intérêts, sous déduction d’un montant de EUR 99’469, plus un montant de EUR 1,25 million en réparation du dommage subi par la FIFA et, enfin, à un montant CHF 80'000.- pour les dépenses obligatoires encourues par la FIFA pendant la procédure.

Le tribunal condamna en outre l’ancien secrétaire général à payer 50% des frais de justice et 25% chacun à la charge des deux autres accusés, refusant d’indemniser leurs frais de défense (art. 429 al. 1du Code de procédure pénale ; CPP).

Le MPC, l'ancien secrétaire générale de la FIFA que le ressortissant grec ont fait tous trois appel de ce jugement en février 2021, ce dernier formant également une demande de nouveau jugement (basée sur l'article 368 CPP), laquelle fut rejetée le 31 mars 2021.

La procédure d’appel, suspendue depuis le 24 février 2021 alors que le Tribunal pénal fédéral traitait la demande de nouveau jugement formée par C, a été reprise le 7 mars 2022. L’accusation a requis 28 mois de peine private de liberté pour le ressortissant qatari et 35 mois contre l'ancien secrétaire général, dans le cadre du procès d'appel sur les droits télévisuels contre les accusés cette fois tous trois présents au procès. Contrairement au réquisitoire de première instance, le MPC a demandé des peines privatives de liberté fermes non assorties du sursis.

L'ancien secrétaire général de la FIFA, par la voix de son conseil, a récemment plaidé que le dossier de l'accusation était "disproportionné" et que l'accusation "inventait des pactes de corruption en s’’appuyant sur des innovations juridiques" ; le ressortissant qatari, par son avocat, a notamment plaidé que le MPC était "à la recherche d'un trophée" et les éléments constitutifs de la corruption privée n'étaient pas réalisés, l'attribution des droits TV n'ayant notamment causé aucune atteinte à la concurrence.

L’on rappellera que les normes visant la répression pénale de la corruption en Suisse (art. 322octies ss CP) ont été modifiées avec effet au 1er juillet 2016 – et donc pour les faits commis après cette date notamment en raison de la nécessité pour les autorités suisses de pouvoir agir d’office contre des actes de corruption dans le cadre des fédérations sportives internationales, à la suite des soupçons de corruption qui avaient entaché la procédure d’attribution des Coupes du monde de football 2018 et 2022, en supprimant comme condition de punissabilité une distorsion de la concurrence (FF 2014 p. 3433 ss, p. 3434 s et 3441 s.).

La question qui se pose dès lors dans ce procès en appel est de savoir une entreprise a été indument écartée ou si l’entreprise choisie par la FIFA pour la diffusion des droits TV représentait le « meilleur rapport qualité-prix », sans fausser la concurrence.

Le dispositif de l'arrêt devrait être rendu prochainement, tandis que l'arrêt complet et motivé devrait être publié durant l'été 2022.

Procédures contre l'ancien procureur général de la Confédération et l'actuel président de la FIFA

Le Parlement suisse a nommé le 29 septembre 2021 un nouveau procureur général en chef du Ministère public de la Confédération (MPC). Ce dernier a repris le poste de son prédécesseur contraint à la démission en raison de rencontres informelles - dont le contenu reste flou - à l'hôtel Schweizerhof de Berne, en Suisse, avec de hauts dirigeants de la FIFA, notamment avec l'actuel président de la FIFA, en marge de la procédure engagée par le MPC contre l’ancien président de la FIFA et de l’UEFA.

Le Parlement suisse a également nommé le 15 décembre 2021 deux nouveaux procureurs fédéraux spéciaux pour poursuivre l'investigation pénale BB.2020.228 visant à clarifier la nature des relations entre l'ancien procureur général et l'actuel président de la FIFA, un procureur cantonal et ami d'enfance de ce dernier et un ancien porte-parole de la FIFA qui aurait participé aux rencontres informelles en marge des procédures visant notamment l’ancien président de la FIFA.

Cette nomination fait suite à la démission de l'ancien procureur extraordinaire chargé de la procédure qui avait été récusé par jugement du 5 mai 2021 dans la procédure BB.2020.296 devant le Tribunal pénal fédéral qui lui avait reproché des communications à la presse sur l’enquête, dont une interview dans une revue juridique, représentant une violation du principe de la présomption d'innocence envers la FIFA.

Une demande de levée de l'immunité de l'ancien procureur fédéral extraordinaire a été déposée le 25 août 2021 afin d'ouvrir une procédure pénale à son encontre pour soupçon de violation du secret de fonction. La Commission des affaires juridiques du Parlement suisse a rejeté cette demande et a maintenu son immunité le 20 septembre 2021.

Depuis lors, rien ou presque n'a filtré sur cette procédure. Le nouveau procureur général de la Confédération a refusé de commenter les étapes antérieures de la procédure, soulignant qu’une réorganisation du MPC était inutile.

Selon la presse, le président de la FIFA a été entendu par le MPC en mai 2022, une audience que les parties n’ont publiquement pas commentée publiquement.

Rien n’empêche désormais à cette instruction pénale d’avancer avec la célérité requise. L'autre point qui reste à éclaircir et qui pourrait potentiellement ralentir la procédure est de savoir si les actes d'enquête menés par les anciens procureurs qui ont dû se récuser doivent être répétés.

Procédure contre les anciens présidents de la FIFA et de l’UEFA

Le 24 septembre 2015, le MPC a ouvert une procédure pénale (SV.15.1013) à l'encontre de l’ancien président de la FIFA sur la base de perquisitions conduites dans le cadre des procédures pénales sur l’attribution des droits TV de la Coupe du monde des faits de soupçons de gestion déloyale (art. 158 CP) et d’abus de confiance (art. 138 CP).

L’ancien président de la FIFA, ce qu’il est resté jusqu’en 2015, est depuis lors accusé, en cette fonction, d'avoir causé à la FIFA un dommage en effectuant un paiement injustifié de plus de 2 millions de francs suisses au président d’alors de l’UEFA, également membre du comité exécutif de la FIFA au moment des faits. Le 4 mai 2020, le MPC a étendu son investigation à l'encontre de ce dernier pour soupçon de complicité à l’infraction de gestion déloyale (art. 158(1) et (3) CP ou d’abus de confiance (art. 138 CP) et faux documents (art. 251 CP) pour avoir présenté à la FIFA une facture de rémunération différée de CHF 500'000.- par an de 1998 à 2002.

L’ancien président de la FIFA avait également été initialement soupçonné d'avoir causé des dommages à des filiales de la FIFA, respectivement FIFA Marketing et FIFA Marketing & TV AG, en vendant respectivement à la Caribbean Football Union (CFU) et au président de cette fédération (également alors vice-président de la FIFA) des droits TV en-dessous de la valeur du marché en 2005 et en ne faisant pas valoir les droits contractuels de la FIFA vis-à-vis de la Caribbean Football Union, dans l'intention d'enrichir illégalement la CFU ou son président, une accusation qui a ensuite été classée par le Tribunal pénal fédéral par décision (BB.2020.203) du 21 juillet 2021 malgré un appel de la FIFA.

Le 4 mai 2020, le MPC a étendu l’investigation pénale contre l’ancien président de la FIFA et deux autres personnes pour soupçon de gestion déloyale (art. 158 CP) et d’abus de confiance (art. 138 CP) pour avoir accordé à la Fédération de football de Trinité-et-Tobago (TTFF), en tant qu'emprunteur, un prêt de USD 1 million le 12 avril 2010 sur la base d'un contrat de prêt non signé par la TTFF, sans que le contrat ne prévoie de garantie ni d'intérêts, prêt qui n'a pas été remboursé mais transformé par la FIFA en une aide financière pour la TTFF.

Enfin, le 21 décembre 2020, la FIFA et FIFA Museum AG ont déposé une plainte pénale auprès ministère public III du canton de Zurich contre l’ancien président de la FIFA et trois autres personnes entre autres pour soupçon de gestion déloyale pour avoir, en leur qualité de hauts responsables de la FIFA, conclu un contrat de bail à loyer commercial fixe excessif du musée de la FIFA jusqu'en 2045, causant des dommages allégués d'"au moins 26,1 millions de francs suisses" sur une valeur totale de location de 500 millions de francs suisses.

Par décision du 1er octobre 2021, le Tribunal pénal fédéral a refusé d'ordonner au MPC la reprise de procédure menée jusqu'ici par le ministère public zurichois, faute de compétence fédérale et, également, de sorte à éviter un retard dans le jugement sur les faits relatifs à la rémunération du ressortissant français, qui étaient arrivés au terme de la phase d'instruction.

En janvier 2021, l'avocat de l’ancien président de l’UEFA a demandé l'accès à la procédure sous la référence BB.2020.228 contre l'actuel président de la FIFA et l'ancien procureur général afin de comprendre "[...] le degré d'implication/de participation du Bureau du procureur général de la Confédération dans ces actes illégaux ainsi que leur étendue et leur portée [traduit de l'allemand]", ce qui a été refusé par le MPC lequel a sanctionné, en sa qualité de direction de la procédure, l’avocate zurichois du prévenu pour avoir déclaré que le MPC aurait pu agir illégalement.

Le 26 février 2021, l’ancien président de l’UEFA a demandé au MPC la récusation des trois procureurs en charge de la procédure et la nomination d’un procureur fédéral extraordinaire non employé par le MPC tout en formant un recours contre le refus d’accès au dossier de la procédure BB.2020.228. Ces demandes ont été refusées par le MPC, décision confirmée par le Tribunal pénal fédéral le 1erst octobre 2021.

C’est dans ces circonstances combatives que le Tribunal pénal fédéral a annoncé la phase de jugement de l’ancien président de la FIFA et de l’ancien président de l’UEFA qui a débuté le 8 juin tiendra devant le Tribunal pénal fédéral et qui doit durer jusqu’au 22 juin 2022 pour juger de la question de la rémunération versée à l’ancien président de l’UEFA.

Selon le résumé de l'acte d'accusation publié sur le site du Tribunal pénal fédéral, les intéressés sont " [...] accusés d'avoir obtenu illégalement un paiement de 2 millions de francs suisses et des cotisations de sécurité sociale de 229’126 francs suisses pour [M.P.] au détriment de la FIFA. À cette fin, [M.P.] a soumis une facture prétendument fictive à la FIFA en 2011 pour une (prétendue) créance impayée pour son travail en tant que consultant de la FIFA dans les années 1998 à 2002. Après avoir signé cette facture et confirmé l'existence de la créance par [J.B.], la FIFA aurait payé la créance correspondante (y compris les cotisations de sécurité sociale) à [M.P.].

L'enjeu principal de cette procédure est donc de savoir si la rémunération versée à l’ancien président de l’UEFA correspondait à des services effectifs, si elle était proportionnée et si elle avait été validée par les organes compétents de la FIFA, ou si cette dernière a été lésée par une rémunération indue décidée par le (seul) président de la FIFA d’alors, et pourquoi.

L’on rappellera à cet égard que le Tribunal arbitral du sport (TAS), après la saisine séparée des intéressés à la suite de leur suspension par la FIFA, s’était déjà penché sur ces questions. Dans la sentence du TAS rendue le 9 mai 2016 contre l’ancien précisent de l’UEFA, rendue en français, le TAS avait retenu, sur la base de son « intime conviction », que « [les preuves] présentées [...] n’établissent [...] pas l’existence de l’Accord oral [et que] le paiement de CHF 2’000’000 n’a pas été versé en exécution d’une obligation de la FIFA et constitue un avantage indu [...] » au sens du Code d’éthique de la FIFA (dans sa version applicable au moment des faits). Le Tribunal arbitral du sport avait également retenu que le Code d’éthique avait également été violé en raison de l’extension du plan de prévoyance dont avait bénéficié le ressortissant français. La sentence du TAS du 5 décembre 2016 rejetant le recours de l’ancien président de la FIFA, contient également de nombreux faits pertinents. Cette instance arbitrale a notamment retenu, dans son appréciation des faits, que la rémunération du président d’alors de l’UEFA avait été convenue oralement avec l’ancien président de la FIFA dans le cadre de la campagne de nomination de ce dernier à la présidence en 1998, de sorte à avoir son soutien et à se répartir les rôles au sein de la FIFA.

Les témoignages entendus cette semaine de l’ancien procureur fédéral en charge de l’investigation et de l’ancien directeur des finances de la FIFA ont, à cet égard, été partiellement discordants, ce qui a engendré une nouvelle plainte pénale, cette fois de l’ancien président de l’UEFA, contre l’ancien procureur fédéral pour violation du secret de fonction.

Le prononcé du jugement est annoncé pour le 8 juillet 2022.

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