Transfert d’un bien immobilier en Suisse au décès du propriétaire à l’étranger
A la suite de l’article consacré au sort d’un bien immobilier en Suisse au décès de son propriétaire en Grande-Bretagne, nous abordons dans cet article les démarches concrètes à entreprendre à l’étranger et en Suisse afin de permettre aux héritiers auxquels le bien immobilier situé en Suisse est dévolu de le faire transférer en leur faveur, respectivement de le vendre. Nous nous concentrerons en particulier sur les cas de successions ouvertes en Angleterre, en Allemagne et en France.
Succession ouverte en Angleterre
En droit anglais, les héritiers ne reçoivent pas les biens successoraux directement du défunt - contrairement en Suisse où les biens du défunt passent aux héritiers au décès - mais d'un ayant droit intermédiaire, le personal representative (appelé executor s’il a été nommé dans des dispositions testamentaires ou administrator s’il est nommé par une autorité anglaise).
Le personal representative doit s’occuper de la gestion des biens de la succession et payer les dettes exigibles selon le droit anglais, avant de transférer la succession aux héritiers.
Les documents à réunir en vue du transfert du bien immobilier situé en Suisse sont un « grant of probate » ou « letters of administration » dûment apostillé, les dispositions testamentaires donnant au personal representative le pouvoir d’agir, ainsi qu’un affidavit d’un notaire anglais sur lequel figure notamment le nom des executors et indiquant leurs pouvoirs selon le droit anglais. Ces documents doivent être traduits par un traducteur-juré dans la langue officielle suisse de situation de l’immeuble.
La problématique de la dévolution d’un bien immobilier situé en Suisse à un trust n’est pas abordée ici et fera l’objet d’une prochaine note.
Succession ouverte en Allemagne
Le certificat d’héritier du droit allemand peut être considéré comme une attestation de la qualité d’héritier au sens de l’art. 559 du Code civil suisse et donc être reconnu pour les besoins du registre foncier en Suisse.
Un certificat d’héritiers européen, établi conformément au Règlement européen sur les successions internationales, est également accepté par les registres fonciers en Suisse.
En Allemagne, le certificat d’héritiers est établi par le tribunal compétent en matière successorale du dernier domicile du défunt pour un coût fixé proportionnellement à la valeur de la succession. A titre d’exemple, le coût du certificat sera d’environ CHF 4'000.- pour une succession estimée à CHF 1 million et de plus de CHF 25'000.- pour une succession estimée à CHF 10 millions. Ainsi, l’obtention d’un certificat d’héritiers peut être non seulement compliquée par l’exigence d’indiquer une valeur de la succession (ce qui implique de connaître les biens qui la composent et d’en estimer la valeur) mais également par le fait que les héritiers devront débourser un montant pouvant s’avérer conséquent pour l’obtenir alors qu’ils ne disposent pas encore des biens composant la succession.
Le certificat d’héritiers devra être présenté au registre foncier suisse soit en original soit sous forme d’une copie certifiée conforme avec apostille.
A noter que, même dans les cantons non germanophones, le registre foncier n’exige en principe pas de traduction du certificat dans la langue officielle du canton où il se situe.
Succession ouverte en France
Dans la perspective du transfert d’un bien immobilier sis en Suisse dans le cadre d’une succession « transfrontalière », il est nécessaire d’obtenir la délivrance d’un acte de notoriété auprès d’un notaire français. Il s’agit d’un acte obligatoirement dressé par un notaire, qui comporte toutes les indications utiles sur le défunt et ses présomptifs héritiers, ainsi que toutes informations sur les dispositions à cause de mort susceptibles de perturber la dévolution légale. Cet acte est établi à la demande d'un ou plusieurs ayants droit du défunt, et contient l'affirmation, signée du ou des ayants droit, auteurs de la demande, qu'ils ont vocation, seuls ou avec d'autres qu'ils désignent, à recueillir tout ou partie de la succession du défunt.
Cet acte permet donc en pratique d’établir la preuve de la qualité héréditaire. Le notaire qui instrumente l’acte doit s’assurer des connaissances effectives des témoins après un travail de vérification préalable.
Un acte de notoriété est en principe reconnu comme suffisant par les offices du registre foncier en Suisse pour légitimer le droit des héritiers y figurant à demander le transfert d’un bien immobilier.
Un certificat d’héritiers européen, établi conformément au Règlement européen sur les successions internationales, est également accepté par les registres fonciers en Suisse.
Enregistrement des nouveaux propriétaires au registre foncier suisse
Les documents mentionnés ci-dessus permettront au registre foncier suisse du lieu de situation de l’immeuble d’inscrire les héritiers désignés comme propriétaires de l’immeuble (acte de dévolution signé par les héritiers). Les héritiers devront inclure dans leur budget le fait que le transfert de l’immeuble engendrera pour eux l’obligation de payer les droits de mutation, fixés proportionnellement à la valeur de l’immeuble.
Si le bien immobilier qui appartenait au défunt est vendu, ces mêmes héritiers devront signer l’acte de vente directement ou par le biais d’un représentant muni d’une procuration. Cette dernière solution permet de simplifier le processus si les héritiers sont nombreux et/ou sont dans l’impossibilité de se déplacer en Suisse. A noter toutefois que, dans un tel cas, la procuration doit remplir certaines conditions de forme.
L’intervention d’un notaire suisse sera nécessaire pour instrumenter l’acte de dévolution ou l’acte de vente.
Parallèlement, les héritiers devront penser à compléter et déposer une déclaration de succession en Suisse, déclaration qui comprendra au moins le bien immobilier sis en Suisse. Des détails sur les implications fiscales de la succession seront traités dans le prochain article de cette série.