Quel est le sort d’un bien immobilier en Suisse au décès de son propriétaire britannique ?
Dans la continuité de nos deux publications sur les implications fiscales anglaises et suisses liées à la propriété d’un bien immobilier en Suisse, nous abordons ici, la question du sort de ce bien immobilier en cas de décès du propriétaire.
Si vous êtes britannique et êtes propriétaire d’un immeuble en Suisse, en cas de décès, les lois successorales et fiscales des deux pays peuvent entrer en conflit dans le cadre de votre succession, et engendrer des conséquences indésirables.
Il existe un traité anglo-suisse réglant les conséquences fiscales en cas d’acquisition d’un bien immobilier en Suisse, ce traité ne porte toutefois pas sur les questions de la compétence et du droit applicable lors de succession anglo-suisse.
Par ailleurs, la Suisse et le Royaume-Uni ne sont pas liés par le règlement UE N°650/212 du 4 juillet 2012 sur les successions internationales.
Dès lors, à défaut de traité applicable en la matière, les règles de droit international privé suisse s’appliquent aux successions anglo-suisses.
Compétence
Selon le droit suisse, les autorités suisses sont compétentes pour régler le sort d’un bien immobilier en Suisse appartenant à un britannique domicilié en Suisse. En cas de domicile en Angleterre au décès, l’Angleterre est compétente pour s’occuper de l’ensemble de sa succession.
Toutefois, si le propriétaire du bien immobilier en Suisse avait, au Royaume-Uni, un statut de UK resident non domiciled à son décès, les autorités suisses sont compétentes pour régler le volet suisse de sa succession.
En théorie, cela impliquerait pour les bénéficiaires de la succession du défunt de devoir agir par devant les Tribunaux en Suisse pour régler le sort du bien immobilier situé en Suisse.
En pratique, cependant, la production au registre foncier de documents tel qu’un affidavit de l’exécuteur testamentaire anglais indiquant les bénéficiaires finaux du bien immobilier permet d’éviter une procédure judiciaire. En tant qu’Etude comptant en Suisse, tant des avocats suisses que anglo-saxons, nous sommes en mesure de vous conseiller efficacement dans ce genre de situation.
Droit applicable
Domicile en Suisse
S’agissant du droit applicable à la succession, lorsque le dernier domicile du propriétaire est en Suisse, les autorités suisses appliqueront le droit suisse pour régler le sort du bien immobilier en Suisse, sauf en cas d’élection de droit par le disposant (pour plus de détails sur l’élection de droit voir ci-après).
Notons que le droit suisse en matière successoral diffère du droit anglais principalement du fait qu’il fixe un système de réserves légales garantissant aux proches parents, en particulier aux enfants et au conjoint, une quote-part minimale de la succession.
De plus, contrairement au Royaume-Uni, en droit Suisse, des règles relatives à la liquidation du régime matrimonial entre époux doivent être respectées avant de régler la succession du défunt.
Domicile en Angleterre
En droit suisse, la succession d’un ressortissant anglais, domicilié en Angleterre à son décès et qui possède des biens en Suisse, est régie par « le droit que désigne le droit international privé de l’Etat dans lequel le défunt est domicilié ».
Le droit international privé anglais renvoie quant à lui au droit de situation de l’immeuble.
Ainsi, déterminer quel droit s’applique en cas de succession anglo-suisse peut être compliqué. De plus, si le sort du bien immobilier est soumis au droit suisse au décès, les réserves légales des héritiers devront être respectées, ce qui limite la liberté du propriétaire de disposer de sa part de succession en Suisse et, par conséquent, l’application du droit suisse pourrait engendrer des conséquences fiscales au Royaume-Uni.
Planification successorale
Afin de simplifier le règlement de la part de succession en Suisse d’un propriétaire terrien anglais, il existe des outils de planification successorale en droit suisse.
Election de droit anglais par disposition pour cause de mort
Un ressortissant anglais, qui réside en Suisse, peut éviter que sa succession soit soumise aux règles des réserves légales en soumettant par testament ou par pacte successoral l'ensemble de sa succession à sa loi nationale - c’est-à-dire au droit anglais.
Cette élection de droit est valable à condition que le dernier domicile du testateur avant son décès ait été situé en Suisse et qu’il, au moment de son décès, n’a pas la nationalité suisse.
Une telle élection de droit augmente la liberté de disposer du propriétaire qui pourra disposer de son immeuble sans devoir respecter les réserves légales de droit suisse. De plus, son bien en Suisse et ses biens en Angleterre seront soumis au même droit.
Au décès, un personal representative s’occupera de régler la succession anglaise et suisse (pour plus de détails, voir la prochaine publication de cette série).
Rédaction d’un pacte successoral
Les héritiers réservataires peuvent valablement renoncer à leurs réserves par pacte successoral conclut entre le disposant et le bénéficiaire du pacte. Le pacte successoral est soumis à la forme authentique. Il doit donc être conclu devant notaire.
L’héritier qui s’estime lésé ne pourra rendre caduc ce pacte que s’il prouve qu’il ne savait pas à quoi il s’engageait.
Création d’un usufruit
Le propriétaire peut grever son bien d’usufruit afin d’avantager son conjoint survivant (l’usufruitier). Les enfants (nus propriétaires) renoncent temporairement à leurs réserves légales en devenant nu-propriétaire du bien. Ils ont le droit de vendre le bien et on le devoir de procéder aux travaux importants mais doivent maintenir l’usufruit en faveur du conjoint survivant. Au décès de ce dernier, la pleine propriété revient aux nus propriétaires.
Notons que la constitution d’usufruit sur un bien en Suisse peut avoir d’importantes incidences fiscales en Angleterre et ne devrait être réalisé sans avoir préalablement obtenus des conseils fiscaux et juridiques suisses et britanniques.
Ce sujet sera traité dans l’un de nos prochains articles.
Enfin, pour planifier votre succession ou améliorer la planification de votre patrimoine en Suisse ou à l’international n’hésitez pas à contacter Grégoire Uldry ou Aurélie Buet.